La vérification des faits, activité bénéficiant jusqu’à alors de peu de reconnaissance, a connu depuis quelques années une renaissance.
Les raisons de ce nouvel intérêt sont sans doute multiples, mais l’explication la plus souvent avancée est un besoin d’être rassuré face à un flux d’informations toujours plus important et toujours plus douteux.
De fait, l’un des premiers exemples récents de fact-checking « public » fut l’apparition de sites consacrés au démenti de ces légendes urbaines qui circulaient (et continuent de circuler) par e-mail. Ces sites employaient déjà des méthodes bien connues des professionnels de l’information : recherche de l’origine de l’information (bon nombre de ces histoires étaient en effet simplement traduites de l’anglais et adaptées à la France), évaluation de la source, recherche d’un démenti… quel que le soit le type de fact-checking dont on parle (car il y en a plusieurs), ces principes de vérification parallèle de la source puis de l’information en elle-même sont immuables.
Mais si chacun s’accorde sur les grands principes autant que sur l’importance de la vérification de l’information, sa mise en pratique pose un certain nombre de challenges pour les professionnels de l’information.
Dans un premier temps, la définition du concept de fact-checking peut sembler aller de soi : le fact-checking consisterait simplement en la vérification (« checking ») de faits (défini par le Larousse comme « un évènement qui se produit »).
Le problème de cette définition réside dans son caractère vague, qui la rend au final inutilisable. Tout d’abord, car elle est évidente : oui, un professionnel de l’information doit vérifier que les faits qu’ils traitent sont vrais. C’est ainsi que le New-York Times avait, en 2012, été largement critiqué par ses lecteurs pour avoir publié un article intitulé « Est-ce que les journalistes devraient faire du fact-checking ?». La question avait certes été sortie de son contexte, mais était révélatrice d’une incompréhension complète entre le journal et ses lecteurs sur la définition du fact-checking : pour ces derniers, le fact-checking était simplement le travail de base d’un journaliste, et qu’un média puisse se demander s’il devait le faire tenait de l’aberration.
Incompréhension car dans la réalité, et ce depuis près d’un siècle, le travail de fact-checking est souvent dévolu non pas aux journalistes mais à des équipes spécialisées, souvent beaucoup plus proches des départements de documentation que des reporters. Le concept de fact-checking a ainsi toujours été relativement proche des documentalistes et veilleurs.
L’autre problème de cette définition est qu’un professionnel de l’information, qu’il s’agisse d’un journaliste, d’un veilleur ou d’un documentaliste, traitera chaque jour un nombre très important de « faits », et la vérification individuelle de chaque fait n’est pas réaliste. C’est pour cette raison que, dans le cadre d’un fonctionnement quotidien, on s’intéresse plutôt à la qualité de la source, en considérant que des sources réputées comme fiables auront déjà pris la peine de vérifier les faits (ce qui peut amener à la propagation extrêmement rapide de fausses informations lorsque des sources théoriquement de haute fiabilité - par exemple des agences de presse - commettent des erreurs). Pour beaucoup de professionnels de l’information, la vérification des faits proprement dite est finalement relativement rare.
Mais alors qu’est-ce que le fact-checking ? Depuis quelques années, c’est une définition plus restrictive qui a été adoptée, centrée sur les déclarations et les affirmations. Le fact-checking se comprend ainsi aujourd’hui comme la vérification, non pas de n’importe quel fait, mais d’un fait déclaré par une personne ou une organisation importante. Le concept vise essentiellement les hommes politiques, mais s’est avec le temps étendu à toutes les déclarations de personnalités influentes ainsi que d’entreprises ou d’ONG. La notion de « fait » reste, évidemment majeure : on ne peut pas vérifier une opinion ou une prédiction.
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