L’intégration de l’intelligence artificielle dans les réseaux sociaux est une tendance de fond, entamée au début des années 2010 et qui connaît une accélération marquée depuis l’émergence de l’IA générative en fin 2022. Cette évolution redéfinit l’utilité de ces plateformes, leur modèle économique et la nature même des interactions qu’elles hébergent.
Nous explorerons comment l’IA est passée d’un outil d’optimisation fonctionnant en arrière-plan à un rôle de plus en plus central dans nos échanges. Ce changement soulève une question essentielle : à mesure que l’IA prend plus de place, que reste-t-il de « social » dans les médias sociaux et comment cela impacte-t-il nos interactions en ligne ?
I. L’IA en coulisses : l’optimisation comme premier moteur
Pendant plus d’une décennie, l’intelligence artificielle a été le moteur discret, mais essentiel, des réseaux sociaux. Son déploiement à grande échelle répondait à un objectif principal : capter l’attention de l’utilisateur pour maximiser la durée des sessions et, par conséquent, les revenus publicitaires.
La fin du fil d’actualité chronologique
Cette stratégie reposait sur la personnalisation des contenus . Dès 2009, Facebook expérimentait déjà un nouvel algorithme (nommé EdgeRank ) pour remplacer le fil d’actualité chronologique (1). C’est entre 2012 et 2016 que cette tendance se généralise. Durant cette période, la plupart des plateformes de réseaux sociaux abandonnent progressivement le fil chronologique au profit du fil algorithmique . L’objectif n’étant alors plus de montrer ce qui venait d’être publié, mais ce qui était le plus susceptible de provoquer une réaction . Twitter remplace ainsi son fil d’actualité par le flux « Home timeline » en 2016 (2), et TikTok, lancé une année plus tard, érige cette approche en modèle avec sa « For You Page » (3). Aujourd’hui, cette méthode est devenue la norme et les algorithmes n’ont fait que s’améliorer d’année en année. Meta annonçait d’ailleurs en 2023 que ses algorithmes de recommandation étaient responsables d’une hausse de 24 % du temps passé sur Instagram , notamment grâce à la suggestion de contenus issus de comptes non suivis par les utilisateurs (4).