L’index de Bing reste à ce stade encore utilisé quand il n’y a pas de résultats satisfaisants pour une requête. Neeva utilise également weather.com pour la météo, Intrinio pour les données boursières et la partie « maps » vient d’Apple.
Mais ce n’est pas demain que Neeva pourra complètement se passer de l’index de Bing.
« Dans la plupart des cas, les sites Web n’autorisent que les robots de Google et de Bing à accéder librement à leur contenu, tout en discriminant les autres robots, comme celui de Neeva. Ces sites interdisent tout le reste dans leurs fichiers robots.txt, ou (plus souvent) ne disent rien dans robots.txt, mais renvoient des erreurs au lieu du contenu aux autres robots. L’intention est peut-être de filtrer les acteurs malveillants, mais la conséquence est de jeter le bébé avec l’eau du bain. Et vous ne pouvez pas fournir de résultats de recherche si vous ne pouvez pas explorer le Web. »
En plus de son index Web, Neeva propose des connecteurs permettant de rechercher sur ses contenus et documents personnels :
- Sur ses comptes Google (Gmail, Agenda et Drive) ;
- Sur ses applications Office 365 (Outlook, OneDrive et Doc) ;
- Sur son compte Dropbox.
L’internaute peut ainsi rechercher en même temps sur le Web et dans ses documents.
On notera que c’est quelque chose d’original qu’aucun autre moteur ne propose de façon systématique.
Un modèle économique particulier dans le monde des moteurs : payer pour ne pas être le produit
La gratuité d’un outil a généralement un coût caché pour l’utilisateur. L’expression « si c’est gratuit, c’est vous le produit » est ici tout à fait appropriée dans l’univers des moteurs.
Neeva a donc choisi un modèle payant ou du moins freemium pour son moteur comme garant de son indépendance et comme gage de qualité.
À l’origine le moteur devait être uniquement payant, mais il semblerait que Neeva ait un peu évolué sur ce sujet-là…
Aux États-Unis, Neeva fonctionne sur un modèle freemium avec une version basique qui reste gratuite et un abonnement premium qui coûte un peu moins de 5 $ par mois et qui donne accès à des solutions de respect de la vie privée plus avancées, un accès en avant-première aux nouvelles fonctionnalités de recherche, l’accès à un espace communautaire pour pouvoir échanger avec les équipes de Neeva et d’autres internautes, des sessions de questions/réponses mensuelles avec les fondateurs.
En Europe, Neeva ne propose pour l’instant que la version gratuite.
On peut supposer qu’il est difficile de convaincre les internautes de payer pour un moteur de recherche. Et la meilleure façon de les convaincre est finalement de les laisser tester et s’approprier l’outil pendant un laps de temps assez long pour ensuite les convaincre de s’abonner.
Neeva s’engage également à rémunérer certains des producteurs de contenus qu’il utilise.
Neeva a ainsi un partenariat avec Reddit, Twitter, Quora ou encore Medium pour indexer et faire ressortir leurs contenus et a également indiqué qu’il reversera 20 % de ses ventes d’abonnements à ces partenaires dont il utilise les contenus. Cela n’est pas sans rappeler le modèle de rémunération proposé par le nouveau moteur Yep
Voir notre article Nous avons testé Yep.com, un nouveau moteur de recherche à l’index maison, BASES n° 405, juillet/août 2022.
Un accent fort sur les retours utilisateurs
Neeva met également ses utilisateurs (du moins pour le moment) au cœur de son produit en consacrant des ressources aux retours et suggestions des utilisateurs (20 % des équipes de Neeva).
Les utilisateurs peuvent intégrer la communauté Slack de Neeva et échanger avec les autres utilisateurs, faire des retours d’expérience, suggérer de nouvelles fonctionnalités.
C’est ainsi que plusieurs fonctionnalités, pourtant non envisagées au départ, ont été ajoutées au produit.
C’est le cas du convertisseur de devises qui était finalement une demande récurrente et des snippets (à l’image de ce que peuvent proposer Google et Bing).
On rappellera que les snippets sont ces encadrés qui extraient la réponse à une question donnée dans une page Web et l’affichent en haut de la liste de résultats. Les équipes de Neeva ont ainsi découvert qu’il y avait une appréhension des internautes à cliquer sur des liens par peur de ne pas savoir précisément ce qu’il y a derrière et du risque de spams et qu’ils préféraient ne pas avoir à sortir du moteur de recherche.
Notre test : que vaut Neeva pour la recherche d’information ?
Nous avons exploré et testé Neeva pour voir s’il était en mesure de devenir un outil de choix pour les recherches d’informations et veilles professionnelles.
Comment interroger Neeva ?
Neeva, c’est tout d’abord une interface classique de moteur de recherche comme on les connaît depuis l’avènement de Google : une boîte de recherche pour interroger le moteur Web et ses différentes verticales comme le moteur d’images, d’actualités, etc.
On se sent donc en terrain familier (cf. Figure 1. Interface de résultats sur Neeva).
Figure 1. Interface de résultats sur Neeva
Neeva parle le langage naturel
Les équipes de Neeva nous ont indiqué que la meilleure façon d’interroger Neeva est d’utiliser le langage naturel. Interroger Neeva avec des requêtes booléennes ne sera donc pas pertinent.
On entrera donc des phrases et morceaux de phrases en langage naturel comme par exemple meilleurs outils de veille, politique énergétique d’Emmanuel Macron
, etc. ou des questions en langage naturel (quels sont les meilleurs outils de veille
, quand ont été créés les flux RSS
, etc.).
Étant donné que le moteur a d’abord été créé pour la langue anglaise, il reste plus performant dans cette langue.
Les différents tests que nous avons pu faire montrent que le moteur comprend bien la question de l’utilisateur et propose des résultats très pertinents sur les premières pages même si la qualité décline ensuite rapidement.
Au-delà des premières pages, le nombre de doublons est important. On constate également que sur la première page de résultats, il peut y avoir plusieurs résultats issus du même site là où Google avait instauré une limite il y a quelques années avec un ou deux résultats au maximum.
Cette baisse de qualité des résultats montre bien ici les limites de l’index de Neeva qui n’est pas encore très étoffé. Mais nous avions fait le même constat avec le moteur Brave il y a quelques années et son index s’est depuis considérablement étoffé apportant une plus grande diversité de résultats.
Les filtres disponibles
Une fois les résultats affichés, l’internaute ne dispose que de deux types de filtres :
- Le filtre par date (à tout moment, journée écoulée, semaine écoulée, mois écoulé et années écoulées) qui est d’ailleurs l’un des filtres les plus utiles sur les moteurs, car il permet de limiter aux résultats récents.
- Le filtre parental qui peut être activé ou désactivé.
Pour certaines requêtes uniquement (celles qui sont orientées logiciels/informatique visiblement), on voit apparaître sous la barre de recherche les filtres à facettes suivantes et qui vont permettre de limiter les résultats à certains types de sites et pages :
Official doc
Forums
Programming websites
Blogs
Code repos
Les quelques opérateurs booléens disponibles
Même si rien n’est mentionné à leur sujet, nous avons pu constater que certains opérateurs de recherche fonctionnaient sur Neeva.
Les opérateurs site :
pour limiter la recherche à un site précis et filetype:
pour limiter à des formats de fichiers semblent fonctionner.
En revanche, l’utilisation des guillemets pour rechercher des expressions exactes, inurl:
ou encore intitle:
ne fonctionne pas.
Dans un article anglo-saxon dédié à Neeva, nous avions vu qu’il était en principe possible d’utiliser un +
devant un terme pour forcer le moteur à rechercher sur cette forme, mais nos tests n’ont pas été concluants.
Les verticales de Neeva
En plus du moteur Web classique, Neeva propose différentes verticales.
Il y a tout d’abord le moteur personnel évoqué plus haut qui permet de rechercher dans ses documents si on a connecté Neeva avec ses applications Google, Microsoft 365 et Dropbox. On dispose d’un filtre par type de documents (fichier, mail, événements, etc.) et de la possibilité de classer les résultats par pertinence ou par date.
On trouve aussi classiquement un moteur d’actualités. Par défaut la recherche porte sur la presse du pays dans lequel on se trouve, mais on peut modifier les paramètres de régions et de langue en bas de pages. On peut y filtrer les résultats par date (journée, semaine ou mois écoulé, mais pas par année malheureusement).
Il y a également un moteur d’images qui a l’air strictement identique à celui de Bing en termes de résultats et de fonctionnalités. On peut donc supposer que Neeva utilise à 100 % Bing Images pour cette fonctionnalité, ce qui n’est pas une mauvaise idée quand on sait que Bing Images est l’un des meilleurs moteurs d’images. On y retrouve d’ailleurs les filtres à facettes proposés sur Bing images et qui permet de mieux orienter la recherche d’images ainsi que les filtres par taille, couleur, type d’images.
Il y a enfin un moteur de vidéos qui propose là aussi des résultats très proches de ceux de Bing Vidéos, mais le nombre de filtres est nettement plus limité (uniquement filtre par date et durée de la vidéo).
La personnalisation du moteur, un point fort du moteur
L’un des points forts de Neeva réside dans ses possibilités de personnalisation.
Et contrairement à Google, il n’est pas question d’utiliser les données personnelles de l’internaute (son historique, ses goûts) pour lui proposer des résultats personnalisés et lui vendre de la publicité. L’internaute reste maître de la personnalisation.
La personnalisation vient tout d’abord du fait que l’internaute peut connecter ses comptes Google, Dropbox ou encore Microsoft 365 et avoir des résultats issus de ces contenus.
D’autre part, l’internaute peut choisir de donner plus d’importance à certaines sources et moins d’importance à d’autres.
Il y a pour cela deux façons de faire.
- Lancer une recherche et une fois dans la liste de résultats, on pourra cliquer sur la source et choisir le pouce vers le haut « montrer plus » ou le pouce vers le bas « montrer moins ». Le moteur fera donc en sorte de mettre en avant ces sites quand ils sont pertinents par rapport à la question posée. Ou à l’inverse, le moteur reléguera le plus loin possible ou fera disparaître les sites pour lesquels nous avons indiqué « montrer moins » (cf. Figure 2. Personnalisation des sources).
- Se rendre dans les paramètres, choisir les préférences du site puis entrer dans le moteur les sources que l’on souhaite privilégier ou exclure et l’indiquer.
Sur la page d’accueil, Neeva va d’ailleurs proposer un flux d’information personnalisé issu des sources que l’on a « liké ». Ce flux est à ce stade peu utilisable, car il fait certes ressortir des contenus de sources que l’on a aimés mais les articles sélectionnés traitent de n’importe quel sujet et pas nécessairement ceux qui nous intéressent.
Figure 2. Personnalisation des sources
Des fonctionnalités utiles au pro de l’info (alerte, capitalisation, diffusion)
En plus d’être un moteur de recherche performant, Neeva propose quelques fonctionnalités qui peuvent s’avérer utile au veilleur.
La première est une fonctionnalité d’alertes qui fonctionne pour la partie Actualités du moteur. Neeva nous propose pour chaque requête dans la partie Actualités du moteur de configurer une alerte. L’internaute recevra une alerte mail à chaque fois qu’un nouvel article répondra à la requête et les nouveaux résultats viendront s’enregistrer dans un « Espace » créé par l’utilisateur et qui est consultable dans la rubrique « Espaces ».
Ces « Espaces » thématiques sont intéressants dans une optique de capitalisation de la veille et de rediffusion (cf. Figure 3. Exemple d’« Espace » Neeva).
Les « Espaces » ont donc vocation à réceptionner les nouveaux résultats d’une alerte, mais pas seulement. L’internaute peut y enregistrer n’importe quel résultat/page Web. Pour rajouter un résultat à un Espace, il suffit de cliquer sur l’icône en haut à droit de chaque résultat pour de choisir l’Espace dans lequel on souhaite l’intégrer.
L’internaute va ensuite pouvoir personnaliser ses « Espaces » :
- En supprimant les résultats des alertes qui ne sont pas intéressants ou pertinents ;
- En réorganisant l’ordre des éléments pour mettre tel article en haut par exemple ;
- En modifiant ou en enrichissant le titre de l’article/résultat, sa description et l’image d’illustration.
Enfin, il pourra partager cet espace de manière privée avec d’autres utilisateurs de Neeva qu’il va sélectionner ou de manière publique pour toute personne disposant du lien.
Neeva permet alors en quelque sorte de proposer un livrable de veille clé en main.
Figure 3. Exemple d’« Espace » Neeva
Les fonctionnalités potentiellement intéressantes que nous n’avons pas pu tester
Enfin, Neeva propose sur le papier quelques autres fonctionnalités que nous n’avons pas pu tester, car elles sont très probablement réservées aux utilisateurs américains pour le moment.
Il y aurait notamment une fonctionnalité appelée « Neeva Scope » qui permet d’avoir des résultats/pages similaires à celles que l’on consulte (en se fondant sur la similarité sémantique).
Neeva a également intégré Newsguard, un système d’évaluation de la crédibilité des sources. Cela permet de savoir s’il s’agit d’une source fiable, d’une source soutenue par la publicité notamment. L’utilisateur peut cliquer sur chaque source et visualiser le « rating » proposé par Newsguard en matière de crédibilité et de transparence.
Notre avis sur Neeva
Cela faisait longtemps que nous n’avions pas été aussi enthousiasmés par un nouveau moteur de recherche.
Neeva est en effet prometteur pour les professionnels de l’information, car il met la recherche et la qualité de ses résultats en haut de ses priorités et non pas uniquement le respect des données personnelles. Mais comme tout nouvel entrant, Neeva a encore du chemin à faire…
Neeva a déjà une excellente compréhension des requêtes et intègre certaines fonctionnalités de Google très utile pour la recherche et la veille comme le filtre par date, l’opérateur
filetype:
ou encore l’opérateursite:
.On reste encore un peu sur notre faim en termes de diversité de résultats dès qu’on sort des premières pages de résultats. Mais cela n’est pas très étonnant quand on sait qu’il développe son propre index et que cela ne peut se faire en quelques jours.
On appréciera aussi la possibilité de personnaliser le moteur en privilégiant certaines sources. Il pourrait même d’ailleurs aller encore plus loin en permettant de créer plusieurs corpus personnalisés (presse, sources automobiles, sources pharmaceutiques, etc.) sur lesquels on pourrait faire spécifiquement porter nos recherches, à l’image des moteurs personnalisés de Google (Google CSE) ou de la nouvelle fonctionnalité « Goggles » de Brave Search (voir notre article dans ce même numéro « Utiliser la fonctionnalité Goggle de Brave Search en complément de Google CSE »).
L’idée de pouvoir rechercher simultanément sur le Web et ses documents personnels est intéressante surtout quand on sait à quel point les fonctionnalités de recherche offertes par les messageries et sites de stockage sont peu satisfaisantes. Mais encore faut-il avoir envie et suffisamment confiance pour connecter ses documents personnels à un moteur de recherche.
On appréciera également les fonctionnalités d’alerte et de capitalisation qui peuvent avoir un véritable intérêt surtout pour ceux qui pratiquent la recherche d’information et la veille avec peu de budget.
Attention néanmoins, Neeva retrouve globalement moins d’articles que Google Actualités et nous avons pu constater que le moteur indexe bien certains articles répondant à notre requête, mais que ces derniers n’apparaissent pas systématiquement dans l’alerte. La fonctionnalité est prometteuse, mais le contenu nécessite encore quelques améliorations…
Enfin, il semblerait que Neeva accorde beaucoup d’importance aux retours et suggestions des utilisateurs, ce qui peut être de bon augure pour l’avenir.
Un moteur qui recherche bien et qui respecte ses utilisateurs, que demander de mieux !