La réflexion sur une méthodologie de recherche en ne comptant pas sur la fameuse sérendipité
(mais qui peut néanmoins s’avérer intéressante en cours de route).
Le temps est loin où, avant Internet, les coûts de connexion et des documents déchargés des serveurs de bases de données obligeaient les professionnels à concevoir en amont un séquencement expert et logique des opérations pour optimiser le plus possible la pertinence des documents à télécharger. Néanmoins nous ne saurions que trop recommander de s’inspirer de ce modèle qui finalement vise à l’économie des moyens et à la performance, en déployant une démarche logique et structurée, incluant des itérations successives dans la conduite de la recherche :
- analyse fine de la problématique posée,
- choix des différents outils en fonction de leurs fonctionnalités et de leur offre de sources,
- traduction des concepts en mots-clefs et élaboration de requêtes en injectant le plus d’expertise possible,
- et enfin, déchargement de documents-tests pour analyse linguistique et sémantique, avec itérations successives pour la reformulation des requêtes.
C’est d’ailleurs l’explicitation de la démarche et des stratégies de recherche utilisées qui permettra de montrer au client que la recherche a été bien menée, et en particulier de le convaincre en cas de faible nombre ou absence de résultats.
L’utilisation d’outils professionnels
La démarche experte recommandée pose bien sûr le problème des outils. Elle exclut à l’évidence Google et les outils gratuits, les fonctionnalités étant trop primaires et limitées. Même s’ils permettent un premier niveau de recherche, et peuvent compléter ou valider au final certains résultats, il n’est pas possible de s’y limiter pour la recherche elle-même si les enjeux de l’entreprise sont un tant soit peu importants.
Moins l’outil est sophistiqué, moins la recherche ne peut être maîtrisée et plus les temps de navigation/recherche risquent de s’allonger, sans pour autant que l’on puisse espérer gagner en pertinence ou en exhaustivité. Difficile dans ce cas de clore la recherche «l’esprit tranquille».
Les grands serveurs de bases de données économiques et scientifiques sont plus que jamais précieux, avec leurs fonctionnalités de recherche expertes, couplées à une offre très large de sources professionnelles et validées. De façon générale, on privilégiera les versions professionnelles des outils quand elles existent.
Si l’on veut gagner du temps et de l’efficacité mais aussi acquérir la certitude que l’on a vraiment fait le tour du sujet avec les bons moyens, on regardera d’abord les outils professionnels dans le secteur sur lequel porte la recherche et on en intégrera le coût dans la négociation client.
La relation avec le client
Comme nous l’abordons dans l’encadré ci-après, la recherche reste au cœur de la relation avec le client et trouve sa justification et valorisation de façon évidente dans l’échange et l’interactivité avec celui-ci, à qui doit revenir l’appréciation et l’analyse finale des résultats. Et ce sont précisément ces échanges sur les mots-clefs, parfois sur les requêtes, ainsi que la concertation sur de nouvelles pistes, qui permettent au chargé de recherche de s’assurer du bon cadrage de sa recherche, et d’être en mesure d’y mettre un point final, en concertation avec le client.
La recherche d’information ne doit pas être une boîte noire
Depuis une vingtaine d’années l’exigence d’analyse et de synthèse bouleverse la production des livrables d’information et marque dans l’entreprise une évolution profonde de la demande des clients. Ceux-ci, managers comme collaborateurs, veulent désormais de l’information la plus analytique possible, digestible rapidement et mise en forme dans des livrables très élaborés.
Cette exigence, liée certainement à un souci d’efficacité et de lisibilité de plus en plus prégnant dans un contexte d’hyper information, a entraîné de facto, en mettant un très fort accent sur le livrable final, une certaine dépréciation de la phase amont de la recherche d’information à savoir la collecte des données, depuis l’expression des besoins client jusqu’à la fiabilisation des résultats de recherche. Précisons que nous englobons ici dans la « recherche d’information » aussi bien la recherche menée dans le cadre d’une étude ponctuelle que la réalisation d’une veille (opération récurrente) car le processus de collecte de données est le même d’un point de vue opératoire et intellectuel.
Ces nouvelles injonctions en faveur, au final, de plus d’intelligence dans le livrable, ont engendré des progrès considérables dans la valorisation de la prestation d’information et ont fait évoluer les différentes parties prenantes, professionnels d’information, clients et éditeurs d’outils de recherche et de veille.
On entend de plus en plus dans les témoignages de professionnels chargés d’information en entreprise le désir de se consacrer à des tâches à «plus forte valeur ajoutée» - analyse, mise en en valeur et communication de l’information. Et l’on se réjouit que soit révolue l’époque des gros listings produits par les centres de documentation d’antan, qui témoignaient certes d’une phase de recherche «volumineuse» livrée à l’état brut, mais étaient souvent inexploitables en l’état.
On se félicitera également de l’introduction des fonctionnalités d’analyse dans les grands serveurs d’information (agrégateurs de presse, bases de données scientifiques).
Par contre, évolution de la phase de restitution des résultats de recherche ou de veille ne doit pas dire escamotage de la phase de recherche et tout ce qu’elle comporte d’opérations intellectuelles itératives, découverte des concepts et traduction en mots-clés avec construction experte des requêtes, choix et qualification des sources, et évaluation/fiabilisation des données.
Et l’on ne peut que déplorer le discours commercial de certains vendeurs de solutions de veille miraculeuses, qui axent la vente de leur outil en annihilant précisément cette phase d’exploration que seule l’intelligence humaine peut réellement conduire et maîtriser. Dans les cas les plus tendancieux, on pourrait paraphraser leur démarche, à peine ironiquement, de la façon suivante : «notre machine (learning de préférence) cherche pour vous dans des dizaines de milliers de sources. Circulez, ici il n’y a plus rien à voir. Regardez plutôt ma super carto !»
Plus sérieusement comment peut-on s’imaginer que le client final ne se préoccupe pas de fiabilité et de qualité de la recherche ni d’exhaustivité ? Dans le cas de la veille également, où l’on pourrait penser que le client final laisse davantage le veilleur affronter seul les volumes considérables d’information, et où en quelque sorte le discours sur l’automatisation des processus (contrôlée humainement cependant) marche le mieux, le client ne pardonnera pas une erreur dans la remontée d’information.
Un client demande très souvent à voir et à travailler avec le spécialiste de la recherche sur les stratégies utilisées, il est même très souvent enclin à y contribuer, à suggérer ses propres mots-clés. Le chargé de recherche a d’ailleurs tout intérêt à l’associer dès le démarrage du projet car c’est cette qualité du dialogue qui va précisément entrer dans la valeur ajoutée de la prestation de recherche ou de veille.
Une exigence d’exhaustivité finalement qui n’est pas contradictoire avec l’exigence d’analyse, car le client est en droit d’exiger qualité et intelligence sur toute la chaîne de la prestation d’information, de la compréhension fine de ses besoins jusqu’au rendu final.