Et dans un contexte de veille et de recherche d’information, cela signifie :
- pouvoir être en mesure d’estimer la production de ses concurrents ;
- analyser les principaux marchés d’importations de ses concurrents ;
- détecter les éventuelles baisses et hausses d’activités de ses concurrents ;
- comprendre un marché en analysant les zones de production et les zones de livraison ;
- mieux comprendre et choisir ses fournisseurs en déterminant avec quels autres acteurs ils travaillent, etc.
Attention : si sur le papier, ces données peuvent faire rêver, elles ne sont pas irréprochables et pas toujours complètes.
Rechercher des statistiques douanières : une démarche et des outils spécifiques
Pour rechercher des statistiques douanières, il faut suivre une démarche particulière et surtout avoir recours à des outils spécifiques.
Le point de départ : la nomenclature et la classification
Pour rechercher des données sur les importations et exportations d’un produit, il faut tout d’abord réussir à obtenir la bonne nomenclature. Pour le commerce international, la classification la plus répandue est celle du Système Harmonisé (SH), appelé Harmonized System en anglais.
Certains outils permettent de rechercher directement à partir du nom de produit mais il est tout de même préférable d’identifier le code en premier pour éviter les erreurs.
Le Système Harmonisé est une nomenclature internationale utilisée dans 176 pays pour identifier les produits à des fins d’importation. Chaque code est composé d’au moins six chiffres (parfois plus), qui permettent d’identifier exactement un produit en fonction de ses caractéristiques, de ses composants, de sa nature, etc. Et ce qui fait sa force, c’est qu’il est très détaillé et permet de déterminer finement de quel produit il s’agit.
Il existe 21 sections pour définir un produit. Les deux premiers chiffres du HS code représentent une catégorie spécifique au sein d’une section (il en existe 99), les deux chiffres qui suivent ceux du chapitre correspondent au titre spécifique du produit (il en existe 1244). Enfin, deux autres chiffres donnent encore plus de précision sur le produit (il en existe 5244).
Pour certains pays, il faut ajouter d’autres chiffres pour détailler plus précisément le produit. C’est pour cela qu’on trouve également des codes à 8 ou 10 chiffres.
Les pays du Mercosur utilisent par exemple des codes à 8 chiffres, aux Etats Unis, il faut utiliser leur propre liste harmonisée appelée HTS et en Europe, il faut utiliser le HS Code auquel s’ajoutent deux chiffres pour la nomenclature combinée et encore 2 chiffres pour le tarif intégré de l’Union Européenne.
Pour réussir à déterminer quel est le code associé au produit sur lequel on souhaite rechercher, il existe une multitude d’outils :
- les outils de recherche spécialisés payants proposent tous des solutions intégrées pour identifier le code associé à un produit ;
- la plupart des sites de douanes ainsi que les grands organismes internationaux proposent des outils pour identifier les bons codes ;
- on trouve également des sites gratuits ou payants comme https://www.findhs.codes/ par exemple.
Selon les outils utilisés, les codes identifiés seront plus ou moins détaillés.
Les différents types d’outils pour rechercher sur les statistiques douanières
Il existe ensuite différents outils de recherche et bases de données spécialisées sur les statistiques douanières.
- Il y a d’une part les bases offertes par les organismes officiels nationaux ou internationaux (Eurostat par exemple ou les douanes de certains pays). La majorité sont accessibles gratuitement.
- Et de l’autre, les bases de données commerciales développées par des sociétés privées. Tous ces outils sont payants et les tarifs peuvent être très variables.
Mais ce qu’il faut retenir, c’est que de manière générale, les données détaillées ne sont jamais disponibles gratuitement.
Tous ces services fonctionnent sur un principe similaire. Il s’agit d’obtenir et de comparer les échanges commerciaux entre un pays donné (ou un groupe de pays tel que l’Union Européenne) et le reste du monde (appelés pays partenaires). Les exportations et importations sont exprimées en quantité (le plus souvent en milliers de tonnes) ou en valeur (par exemple en dollars ou euros).
Selon les outils, les exportations peuvent inclure tous les modes de transport (maritime, aérien, routier) ou uniquement les échanges par bateau par exemple.
Tous les pays ne sont pas nécessairement couverts et il n’est pas toujours possible de connaître le nom de l’exportateur ou de l’importateur (c’est possible pour les Etats-Unis mais impossible dans beaucoup d’autres pays).
Les bases de données commerciales
Il y a de plus en plus d’acteurs sur ce marché. Certains existent depuis des décennies et d’autres sont beaucoup plus récents. Mais tous ne se valent pas.
Parmi les acteurs les plus connus et reconnus, on compte Panjiva, Maritime & Trade Solutions de IHS Markit, Datamyne ou encore Import Genius.
- Panjiva (https://panjiva.com/) appartient à S&P Global et propose également la base de données financière S&P Capital IQ. Panjiva offre des fonctionnalités de datavisualisation et fournit les statistiques douanières pour les Etats-Unis, le Brésil, l’Amérique centrale et du Sud, l’Inde et la Chine. Les données sont standardisées entre les différents systèmes et il permet également d’avoir des informations sur plus de 8 millions d’entreprises et de faire le lien avec les données notamment financières sur les entreprises. La plateforme est onéreuse et peut vite atteindre 50 000 euros par an. Mais c’est aussi l’un des outils les plus sophistiqués.
- On citera également IHS Markit et sa solution « Maritime & Trade Solutions » (https://ihsmarkit.com/industry/maritime.html). IHS Markit avait racheté en 2014 GTIS et sa base GTA (Global Trade Atlas), un des outils de recherche historique et très performant pour les statistiques douanières. GTA comprend aujourd’hui des données mensuelles fiables sur le commerce bilatéral pour 101 pays et des données annuelles pour près de 200 pays, basées sur les statistiques officielles des importations et des exportations. IHS est aussi propriétaire de la base de données PIERS spécialisée sur les données d’importations et exportations maritimes américaines.
- Quant à Datamyne (https://www.datamyne.com/), il suit actuellement les flux commerciaux de plus de 50 pays sur cinq continents, y compris les marchés d’Amérique latine, d’Asie, d’Afrique et de l’Union européenne, ainsi que le commerce maritime américain. Zepol, qui était un concurrent solide dans le domaine de la veille commerciale mondiale, a été racheté par Datamyne en 2015. Dans cette plateforme, l’accent est fortement mis sur les données américaines.
- Enfin, Import Genius (https://fr.importgenius.com/) propose les flux entrants ou sortants de 12 pays (États-Unis, l’Argentine, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, l’Équateur, le Panama, le Paraguay, le Pérou, l’Uruguay, le Venezuela et l’Inde). Les tarifs proposés varient entre 99 et 399 dollars/mois.
Il existe également d’autres acteurs un peu moins connus et reconnus comme :
- Trade Atlas (https://www.tradeatlas.com);
- Import Radar (http://importradar.com/);
- Export Genius (https://www.exportgenius.in/);
- Trademo (https://www.trademo.com/);
- Commodities Intelligence Center (https://www.cic-tp.com/en/digitalProduct);
- Xportmine (https://www.xportmine.com/);
- Global Trade Tracker (https://www.globaltradetracker.com/);
- Cybex (https://www.cybex.in/);
- Eximpulse (https://www.eximpulse.com/);
- Imports Global : https://www.importglobals.com/.
On trouve enfin certains acteurs spécialisés sur un pays ou un type de produits :
C’est par exemple le cas d’ImportKey pour les Etats-Unis uniquement (https://importkey.com/), Tradegenius India (http://www.tradegeniusindia.com/) pour l’Inde, Junglescout pour les produits vendus sur Amazon (https://www.junglescout.com/); etc.
Les bases des organismes internationaux
Les grands organismes internationaux proposent également des bases de données gratuites donnant accès à des données d’importations et d’exportations. Mais il faut bien avoir conscience que ces données sont souvent plus agrégées et donc moins détaillées que dans les bases de données dites commerciales.
On citera par exemple :
- Trademap (https://www.trademap.org/Index.aspx) qui est proposé en collaboration avec l’Union Européenne, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement et l’Organisation Mondiale du Commerce ;
- Wits (https://wits.worldbank.org/), la base sur le commerce international de marchandises, les tarifs et les mesures non tarifaires (MNT) proposée par la Banque Mondiale ;
- Eurostat (https://ec.europa.eu/eurostat/), le point d’entrée vers les statistiques européennes ;
- FAO Stat (http://www.fao.org/faostat), le portail de statistiques de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture ;
- DATA IMF (https://data.imf.org), le portail de statistiques du Fond Monétaire International (FMI);
- ASEAN Stats (https://data.aseanstats.org), le portail de statistiques qui regroupe une dizaine de pays asiatiques (Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Birmanie, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam).
Notre avis
Comme c’est globalement le cas pour tout ce qui a trait aux entreprises, pour accéder aux données en profondeur, il faut passer par des services payants.
En plus d’avoir des données plus fines et précises, les services privés mettent aussi plus rapidement leurs données à jour et proposent souvent des éléments de datavisualisation ainsi que des fonctionnalités d’alertes
Nous avions déjà écrit il y a presque 20 ans un article sur la question des statistiques douanières (BASES, 2002, Aurélie Vathonne et Corinne Dupin) et il est intéressant de constater que finalement, la méthode n’a pas beaucoup évolué et que c’est toujours grâce aux outils payants qu’on arrive au résultat escompté. Le paysage des bases de données commerciales a quant à lui beaucoup évolué avec un nombre d’acteurs qui ne cesse de croître, des fonctionnalités de datavisualisation notamment, et des services qui intègrent beaucoup plus de pays que par le passé.
Malgré tout, on constate que ce sont les données d’importations et d’exportations américaines qui demeurent les plus détaillées et les plus précises (en permettant notamment de connaître le nom des importateurs et exportateurs) et qui restent au cœur de la grande majorité des bases de données commerciales.
Recherche de statistiques douanières : pas une science exacte
Même si on maîtrise la méthode, il y a un certain nombre d’éléments à garder en tête. Car la recherche de statistiques douanières n’est jamais une science complètement exacte.
Attention aux évolutions des codes produits
Les codes produits évoluent avec le temps et sont régulièrement révisés. Si on souhaite faire une recherche rétrospective, il faudra bien penser à utiliser le bon code par période pour avoir des statistiques précises.
Attention à la nomenclature qui regroupe plusieurs produits
Il arrive fréquemment que plusieurs produits soient mélangés dans un même code produit (HS code) ou se retrouvent dans une sous-catégorie « others ». Quand c’est le cas, il est pratiquement impossible d’en déduire quoi que ce soit dans un contexte marché ou concurrentiel car on ne peut pas savoir ce qui se rapporte précisément à ce produit spécifique
Il n’y a jamais de couverture exhaustive
Aucun outil ne permet d’avoir une couverture mondiale et exhaustive. Certains outils déduisent les données « en creux » pour certains pays mais cela est toujours indiqué dans les statistiques. D’autre part, quand on ne dispose pas de données sur un pays, il ne faut pas oublier qu’une importation, c’est aussi une exportation et vice et versa. Le pays importateur ou exportateur peut, lui, avoir les données.
A noter qu’il existe parfois des disparités importantes entre les flux import et export, pour un même produit entre deux pays. Ce qui prouve bien qu’il faut toujours prendre ces données avec des pincettes.
Il y a parfois des erreurs
Il faut aussi avoir conscience qu’il y a aussi parfois des erreurs. Les entreprises peuvent rencontrer des difficultés lors de la classification de leurs produits, commettre des erreurs, mal interpréter un code.
Et lorsque les données sont exprimées en valeur, les distorsions entre les chiffres sont souvent plus grandes en raison de l’inflation, du taux de change...
Certaines entreprises masquent leurs activités
Dans le cas où l’on peut réussir à obtenir le nom des importateurs et exportateurs (surtout pour les Etats-Unis), il faut aussi savoir que certaines entreprises cachent leurs activités en exportant sous le nom d’une autre entreprise. C’est par exemple le cas de certaines entreprises chinoises.
Travailler en collaboration avec un expert
Quand on réalise ce genre de recherche sans bien connaître le secteur et le marché, il est toujours intéressant de travailler en collaboration avec un expert du marché ou du produit. Sa connaissance très précise du marché peut lui permettre de détecter des éléments impossibles à repérer au premier coup d’œil. A titre d’exemple, si deux concurrents disposent chacun d’une usine dans un pays, il peut être difficile de savoir quelles exportations d’un produit se rapportent à l’un ou à l’autre des concurrents. L’expert peut quant à lui savoir que le concurrent A produit bien ce produit dans ce pays tandis que le concurrent B a bien une usine dans le pays mais n’y fabrique pas ce produit. On peut alors en déduire que toutes les exportations se rapportent bien au concurrent A.