Quel lecteur de flux RSS choisir en 2020 ?

Aurélie Vathonne, Carole Tisserand-Barthole
Bases no
384
publié en
2020.09
1680
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évaluation outils | flux RSS
Quel lecteur de flux RSS choisir en 2020 ? Image 1

D’aucuns pourraient penser que le RSS, cette technologie vieille de 20 ans, autant dire une éternité à l’échelle du web, est à reléguer au rang des antiquités. Et pourtant, elle a remarquablement résisté aux années et survécu à la vague du web social. On pense à tort qu’elle a disparu, alors qu’elle reste incontournable pour les métiers de la veille.

Si les lecteurs de flux RSS ne sont en rien comparables avec les grandes plateformes de veille en termes de puissance et de fonctionnalités, certains ont su tirer leur épingle du jeu et se rendre utiles voire indispensables pour les veilleurs et ce, pour un coût modeste. C’est le cas d’Inoreader et Feedly, leaders aujourd’hui incontestés du RSS auprès des professionnels de l’information. D’autres acteurs ajoutent régulièrement des fonctionnalités intéressantes, d’autres encore arrivent également sur le marché.

Ces outils sont utilisés aussi bien par des veilleurs disposant de budgets très limités que par des professionnels disposant d’outils de veille ou de recherche professionnels payants et qui y ont recours en complément à ces outils.

Dans cet article, nous avons analysé les forces d’Inoreader et Feedly pour le veilleur et avons évalué les autres acteurs actuellement sur le marché et leur adéquation avec les besoins des professionnels de l’information.

Lire aussi : 

« Comment surveiller Google Actualités ? »


Un peu d’« histoire »

Lorsque le RSS est apparu au début des années 2000, dans la mouvance de ce que l’on appelait à l’époque le web 2.0, il a été très vite utilisé et même promu sur les sites web. La grande majorité arboraient le petit logo orange qui signalait sa présence et les internautes étaient largement invités à souscrire, gratuitement, aux flux proposés pour les consulter dans leur lecteur/agrégateur favori ; il s’agissait de Netvibes ou Google Reader la plupart du temps.

Puis les éditeurs de sites web ont changé leur fusil d’épaule. L’utilisation massive des flux RSS par les internautes pour suivre le contenu mis à jour, a en effet rapidement provoqué une baisse de la fréquentation en ligne de leur site. En outre, ces mêmes éditeurs n’avaient plus aucun moyen de capter l’identification de leur audience, ne serait-ce que par une adresse e-mail, comme ils peuvent le faire très facilement au moyen de l’inscription à une newsletter…

Entre le milieu et la fin des années 2000, Internet a connu l’essor des medias sociaux qui sont devenus prédominants. C’est alors que l’invitation « Abonnez-vous à nos flux RSS » a peu à peu été remplacée par « Suivez-nous sur Facebook » ou « Rejoignez-nous sur Twitter » !

Cette disparition apparente du RSS a engendré çà et là des hypothèses sur le déclin de ce format et de son utilisation, or il n’en est rien.

RSS revival ?

Si les flux RSS ont continué d’être utilisés par les professionnels de l’information - il n’y a qu’à se remémorer le tollé qu’avait provoqué la disparition en 2013 de Google Reader, l’un des lecteurs de flux les plus utilisés au sein de la communauté des veilleurs - une grande partie des internautes a basculé dans la sphère des réseaux sociaux pour suivre certaines sources ou pour s’informer de façon plus générale.

Et pourtant, dès 2018, le magazine Wired suggérait qu’après des années passées à laisser les algorithmes décider ce qu’il était bon de leur montrer, les internautes avaient décidé de « reprendre la main » sur le contenu qu’on leur proposait, et qu’on pouvait même parler d’un «RSS revival» (« It’s Time for an RSS Revival », Wired, 30 mars 2018, https://www.wired.com/story/rss-readers-feedly-inoreader-old-reader/).

Car contrairement aux fils d’actualités Facebook ou Twitter qui opèrent de façon opaque une sélection, jusqu’à produire les fameuses « bulles de filtres » qui enferment l’internaute dans un contenu toujours conforme à ce qu’il est supposé attendre, le flux RSS autorise des opérations de filtres qui sont contrôlées par l’internaute lui-même, ce qui fait toute la différence.

Mais alors, quel lecteur de flux utiliser ?

Inoreader et Feedly, les deux références

La fermeture de Google Reader en 2013 a laissé une large place à d’autres acteurs et entrainé le développement de nombreux outils. Mais aujourd’hui deux lecteurs RSS se démarquent clairement avec des fonctionnalités sophistiquées : il s’agit d’Inoreader et Feedly.

Inoreader, un lecteur pour utilisateurs avancés

Inoreader a beaucoup évolué depuis son lancement par la société bulgare Innologica en avril 2013, juste après l’annonce de la fermeture de Google Reader. Il cible clairement les utilisateurs avancés et propose des fonctionnalités puissantes de filtres par mots-clés, de dédoublonnage de flux, de taggage des articles, de création de « flux sortants » etc.

Une grande variété de types de flux

Il permet de suivre des flux RSS standards, mais aussi des chaines YouTube, des comptes Twitter, des requêtes Twitter, des pages Facebook publiques. Il dispose d’une fonctionnalité intégrée permettant de suivre les résultats d’une requête dans Google Actualités (Voir notre article « Comment surveiller Google Actualités ? », BASES n°381, mai 2020).

Un outil intégré de création de flux RSS

Mais c’est l’une des fonctionnalités ajoutées cette année à Inoreader qui constitue son vrai point fort : il permettait depuis un moment déjà, de chercher et détecter les flux existants sur un site web ; il sait désormais créer des flux RSS sur des pages web qui n’en offrent pas nativement, ce qui élargit considérablement son champ d’action. C’est ce que Inoreader appelle les flux Web.

Trois modes sont possibles pour une telle opération :

  1. le mode « tout automatique » qui analyse automatiquement la structure de la page web pour proposer jusqu’à trois flux auxquels on peut s’abonner.Si le mode automatique ne détecte pas de lui-même la série de liens html correspondant à la section de la page ciblée, on peut l’y aider.
  2. Le mode « Confi­guration manuelle » présente une image de la page sur laquelle l’utilisateur est invité à cliquer pour indiquer à l’outil qu’il souhaite surveiller tel type d’information. En cliquant sur un lien, l’utilisateur entraine l’analyseur qui met alors en évidence les liens du même type, et permet de construire le flux (voir figure 1.)image165743 opt
    Figure 1 : Mode « Configuration manuelle » de construction des flux Web dans Inoreader
  3. Enfin le 3ème mode « Avancé », beaucoup plus technique, invite à entrer soi-même des sélecteurs XPath ou CSS. Nous n’avons pas testé ce 3ème mode.

Un dédoublonnage intelligent

Inoreader continue régulièrement d’inté­grer des fonctionnalités techniques à haute valeur ajoutée. Tout récemment, il a annoncé la capacité à détecter les quasi doublons, c’est-à-dire des articles qui présentent presque le même titre, ce qui constitue une vraie nouveauté. En outre, l’utilisateur peut fixer la période d’antériorité au sein de laquelle les doublons doivent être détectés (moins de 24h, un ou plusieurs jours, une semaine, un mois).

Si Inoreader a longtemps pratiqué un tarif très compétitif d’environ 50 € par an pour la version PRO, incluant un nombre de règles et de filtres illimité, il facture désormais à l’usage et sur devis, lorsqu’elles dépassent un certain nombre, toutes les fonctionnalités sophistiquées, à savoir les règles, les filtres, les flux Twitter, Facebook, les filtres de dédoublonnage avancé etc. En fonction du nombre souhaité de chacune de ces fonctionnalités avancées, un prix sur mesure sera proposé par l’équipe de Inoreader.

Feedly : un lecteur avec des solutions clé-en-main

Feedly est l’autre lecteur RSS de référence sur le marché mais son positionnement est assez différent de celui d’Inoreader. Il communique moins sur ses possibilités techniques, pourtant aussi très puissantes, que sur leur application directement opérationnelle pour les veilleurs.

Ainsi, à la problématique de la surveillance du web, Feedly répond par une fonctionnalité qu’on n’attendrait pas naturellement d’un agrégateur de flux : il s’agit de la fonctionnalité Power Search. Elle consiste à mettre à disposition une base de données de 40 millions de sources web fiables pré-sélectionnées, classées en grandes catégories : Strategy Magazines, Trade Publications, Tech Blogs, Business Magazines, Research Journals, National Newspapers. Il est aussi possible de ne sélectionner que les sources d’un secteur particulier.

Mais ce n’est pas tout : Power Search offre la possibilité de formuler des requêtes par concept, rien de moins.

Grâce à son intelligence artificielle baptisée Leo, Feedly autorise en effet des recherches non plus seulement par simple mot-clé mais par ce que Leo appelle des smart topics, qui sont ni plus ni moins des ensembles sémantiques.

Des centaines de sujets sont déjà disponibles (par exemple : airlines industry, insurance, artificial intelligence, product review) et également des Business Events, pour l’instant au nombre de quatre (product launch, partnership, funding events, leadership change). Des capacités de text mining permettent aussi de rechercher par entité nommée (nom de société, de personne, lieu etc.).

Leo a analysé le vocabulaire utilisé dans 24 industries différentes (voir figure 2) :

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Figure 2 : Secteurs d’activité ayant été analysé par l’intelligence artificielle de Feedly

C’est à notre connaissance une possibilité totalement inédite dans le paysage des lecteurs RSS, d’autant qu’elle contribue à transformer Feedly en véritable outil de veille global, permettant de mettre en place des veilles radar, complémentaires à la surveillance de sources préalablement identifiées.

Pour l’illustrer de façon percutante, Feedly a tout récemment lancé des déclinaisons verticales de son outil : Feedly for Cybersecurity et Feedly for BioPharma. Ces déclinaisons sectorielles proposent en particulier de travailler sur un bouquet de sources préqualifiées du domaine, et d’utiliser des smart concepts, c’est-à-dire des filtres de recherche, spécifiques à ces industries (par exemple cell therapy ou clinical trial pour l’industrie pharmaceutique)

Voici un autre exemple de problème que Feedly a résolu de façon très opérationnelle : réduire le bruit généré par les études de marché dans les résultats issus de flux Google Actualités

Voir notre article : « Comment surveiller Google Actualités ? » - BASES n°381, mai 2020.

Feedly propose, tout comme Inoreader, de filtrer les résultats en excluant certains articles répondant à la présence de mots dans le titre ou dans le texte. Mais il va plus loin que son concurrent en proposant des filtres d’exclusion (Mute Filters) sur des sources, des auteurs, et toutes sortes d’entités nommées (société, nom de célébrité etc.), ainsi que sur des concepts, à savoir les smart topics mentionnés plus haut.

Et Feedly a annoncé en juin dernier sur son blog la mise à disposition d’un Mute Filter prêt à l’emploi pour éliminer les résultats de type « études de marché ». Ce filtre peut en outre être constamment amélioré en « entrainant » Leo à repérer de nouveaux résultats non pertinents.

Et les autres agrégateurs de flux RSS ?

En dehors de ces deux mastodontes, il existe d’autres acteurs proposant des outils gratuits ou fonctionnant sur un modèle freemium.

Les anciens

Parmi les acteurs qui sont sur le marché depuis des années, on pourra citer The Old Reader, Newsblur ou encore Feeder.

  • The Old Reader se limite aux fonctionnalités de base d’un lecteur de flux, c’est à dire l’abonnement à des flux RSS. Ici pas de création de flux sur des réseaux sociaux ou pages web sans flux RSS. L’outil fonctionne sur un modèle freemium avec des abonnements payants pour ceux qui veulent intégrer plus de flux. Rien de révolutionnaire donc !
  • Newsblur est plus perfectionné avec la possibilité de rechercher en texte intégral sur ses abonnements, la possibilité de taguer les contenus, de sauvegarder des recherches, d’intégrer ses abonnements à des newsletters directement dans le lecteur ainsi qu’une intégration de Twitter et YouTube. Il fonctionna également sur un modèle freemium avec les fonctionnalités les plus avancées réservées aux abonnés (36$/an).
  • Feeder, un lecteur suédois existe quant à lui depuis 2012 et a beaucoup évolué avec les années. Il a l’avantage de proposer des filtres pour exclure des mots-clés ou des thèmes et ainsi limiter le bruit. Il permet également de créer des collections, des filtres et offre des fonctionnalités collaboratives. L’outil fonctionne sur un modèle freemium et l’abonnement le plus cher est à 12.99 €/mois. Il propose en outre une app pour mobile, permet l’intégration de newsletters et permet depuis le mois de septembre de suivre Twitter. De nouvelles fonctionnalités sont ajoutées régulièrement et la plateforme est souvent mise à jour.

Les petits nouveaux

Parmi les petits nouveaux, on citera tout d’abord Feedit, un agrégateur de flux qui intègre le machine learning pour mettre en avant des résultats (https://feedit.sk/). L’outil propose des fonctionnalités classiques mais encourage l’utilisateur à entraîner l’outil pour lui indiquer quels articles l’intéresse ou non. Cela permettra ensuite au lecteur de mettre en avant les articles jugés les plus intéressants et le plus en adéquation avec les besoins des utilisateurs. Cela peut sans doute intéresser des veilleurs occasionnels, mais on perd en revanche tout l’intérêt des lecteurs RSS qui permettent de sortir de la logique des algorithmes.

Il existe également Fluent Reader, un lecteur gratuit et open source qui offre des fonctionnalités classiques ainsi que la recherche sur ses flux et des filtres.

Notre avis

Au final, même si ces outils ne sont pas inintéressants et s’améliorent avec le temps, il faut bien avouer qu’ils n’arrivent pas au niveau de Feedly et Inoreader qui répondent beaucoup mieux aux problématiques des veilleurs.

On n’aura intérêt à se tourner vers eux que si l’on ne dispose d’aucun budget (et encore la majorité de ces outils fonctionnent sur un modèle freemium...).

Comment choisir entre Feedly et Inoreader ?

Il est difficile de répondre à cette question de façon générale, puisqu’ils ont tous deux des fonctionnements et un positionnement un peu différent. Et même s’ils sont finalement complémentaires, il est difficilement envisageable d’utiliser deux lecteurs en même temps, ce qui serait terriblement chronophage.

L’idéal est de tester les deux en ayant bien en tête les fonctionnalités qui semblent importantes et indispensables par rapport à ses besoins et à ses problématiques. Mais Feedly comme Inoreader font tous deux très bien leur travail.