Edd devient Aday : la mutation de la plateforme de veille média

Aurélie Vathonne
Bases no
379
publié en
2020.03
2703
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presse en ligne | agrégateurs de presse
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L’acteur historique de l’accès numérique à la presse française a changé discrètement de nom courant mars. Mais ce changement de nom est le reflet d’une mutation plus profonde qui a démarré il y a plusieurs années.

Né en 1989 de la fusion de G.Cam serveur et Juridial, sous le nom de l’Européenne de Données à l’époque, il a été l’un des premiers à offrir un accès en ligne aux grands quotidiens comme Le Monde ou aux dépêches de l’AFP. Racheté en 1991 par ORT, il continue alors à être commercialisé sous sa marque. Lorsque Reuters rachète ORT en 1999, l’Européenne de Données ne fait pas partie du rachat et est reprise à titre personnel par les fondateurs d’ORT. C’est en 2004 que L’Européenne de Données adopte le sigle EDD, plus facile à utiliser.

D’agrégateur de presse, EDD est désormais devenu Aday, une véritable plateforme de veille média évoluant dans la sphère médiatique au sens large. Côté clientèle, la croissance repose essentiellement sur les communicants (services et directions de la communication au sein des organisations, services de relation presse, etc.). Mais la croissance de Aday s’explique aussi par sa capacité à attirer de nombreux éditeurs, en offrant une solution qui valorise réellement leurs contenus auprès de la clientèle. Au sein de cette industrie des médias, les journalistes sont également ciblés par les produits prochainement offerts par Aday.

Le changement de nom est donc intervenu le 11 mars, mais la forme sociale, le capital et le numéro de RCS de l’entreprise restent inchangés.

En dehors d’un bref communiqué qui a été adressé à tous les clients, et de quelques rares articles dans la presse spécialisée de l’industrie des médias, Aday a fait connaître son changement d’identité par le biais d’articles parfois importants parus dans Le Figaro, Les Échos, Notre Temps, Le Journal du Dimanche, etc., et portant sur l’analyse média réalisée grâce à leur service Tagaday (nouveau nom de Press’EDD) autour des sujets mainstream du moment que sont les tristes féminicides, et l’inévitable coronavirus.

Dans Le Journal du Dimanche notam­ment, la première étude était présentée comme « une étude exclusive et inédite de l’Observatoire de la parité », « réalisée à partir du service Tagaday » et la seconde comme « une grande étude Tagaday » ; les articles publiés étaient illustrés chaque fois avec de nombreux graphiques de mesure et d’analyse médiatique de chacun des sujets, qui ont été construits notamment grâce au service Bilan Médias disponible sur abonnement spécifique dans EDD depuis 2016.

Ces parutions « opportunistes » ont constitué ainsi une très vaste publicité des services offerts, tout en précisant le récent changement de nom. Une stratégie de communication originale et plus efficace qu’un simple communiqué de presse pour faire connaître à la fois ses services et son nouveau nom.

À l’heure de la mondialisation, ce chan­gement de nom répond à une volonté de s’ouvrir à l’international. Aday, phoné­tiquement proche de EDD, possède l’avantage de se prononcer aussi bien en français qu’en anglais, et sa déclinaison Tagaday, nouveau nom pour désigner dorénavant le service Press’EDD, correspond à l’introduction de tags ou plus précisément de termes d’indexa­tion analytiques et interrogeables, qui n’étaient pas disponibles jusqu’ici dans EDD, contrairement à ses concurrents.

Tagaday proposera désormais une indexation

Cet enrichissement du contenu par l’indexation est une des grandes nouveautés de Tagaday mais n’est pas visible pour l’instant dans l’interface. Elle est effectuée de façon entièrement automatisée avec des outils proprié­taires et s’appuie, en l’adaptant à ses propres besoins et sa propre clientèle, sur la nomenclature la plus utilisée dans l’industrie des médias, à savoir celle de l’IPTC (International Press and Télécommunications Council).

Pour mémoire, l’Européenne de Données proposait il y a de nombreuses années une indexation de contenus sur la base d’une catégorisation des thèmes. Pour son activité de marketing direct, elle avait mis au point une solution de classification de l’activité des entreprises (nomenclature Taxi).

L’indexation à venir dans Tagaday sera de trois types différents :

  1. Une indexation thématique classique, par mot-clé ;
  2. Une indexation de géolocalisation de la retombée presse, correspondant à la zone de diffusion de l’information. On voit bien ici que ce type d’indexation est parfaitement adapté aux besoins de la clientèle communication/relations presse. Dans les faits, il est déjà possible d’effectuer une recherche en limitant à une zone de diffusion donnée, pour peu que l’on connaisse suffisamment en détail les sources locales et les possibilités de recherche offertes. Mais ce nouveau type d’indexation aura pour but de faciliter la tâche des clients de Aday situés en région et qui pourront grâce à un seul champ de recherche très simple, limiter à une zone de diffusion précise, par département par exemple ;
  3. Le troisième type d’indexation concerne le sentiment ou la tonalité, associés à une information (positif/négatif/neutre), indexation qu’on trouve également chez Nexis NewsDesk. Aday répond avec ce type d’indexation à une demande de la clientèle sur une analyse que tout le monde dans le secteur s’accorde pourtant à trouver immature et pas vraiment efficace. Cette demande du marché est fortement influencée par l’offre des plateformes de veille sociale qui le proposent depuis longtemps, sans plus de succès dans la l’efficacité de cette qualification. En ce qui concerne la presse, la qualification de la tonalité d’un article ne peut se faire réellement que par une analyse manuelle du texte, tout du moins pour le moment.

L’enrichissement du contenu par des termes d’indexation a déjà commencé, mais leur visibilité dans l’interface avec la possibilité de les interroger se fera probablement avant l’été, sous réserve d’éventuels retards liés à l’épidémie de coronavirus.

  • À plus long terme, l’interface devrait subir une refonte complète à partir des technologies d’architecture web les plus récentes. Cela pourra s’étaler sur plusieurs trimestres, avec la mise à disposition de différents modules au fur et à mesure, et de premières réalisations aux alentours de Noël.
  • De nouveaux services à valeur ajoutée vont également venir enrichir une offre déjà clairement construite pour une clientèle appartenant au secteur de la communication.

Imatag : un outil de marquage de documents

L’une d’entre elles est proposée par la société Lamark dont EDD a pris 47% du capital en 2017. Cette société offre une prestation de protection de contenu qu’il s’agisse de photos ou de vidéos, ce qui est tout à fait en ligne avec la politique de Aday qui consiste à protéger les contenus des éditeurs et à les valoriser.

La société Lamark est plus connue sous le nom d’Imatag, le nom de son produit. Il s’agit d’un outil de marquage invisible dans les pixels, avant diffusion, que l’on ne peut enlever, sauf à détruire le document. Il résiste au recadrage, au partage sur les réseaux sociaux ainsi qu’aux captures d’écran, etc.

Cette technologie brevetée a été développée par des chercheurs de l’INRIA. Il suffit de déposer l’image sur le site d’Imatag et l’on est prévenu lorsque cette image apparaît sur le web que Lamark crawle en permanence. Cela permet au détenteur des droits sur l’image d’être averti d’une utilisation frauduleuse.

Cet outil de marquage qui sera mis à disposition comme un service supplé­mentaire aux clients communi­cants de Aday, leur permettra de tracer le chemin des fichiers image, vidéo, PDF, etc. qu’ils émettent, et de vérifier si ces derniers ne subissent pas de falsification en cours de route.

La solution est d’ores et déjà en production chez Aday mais pas encore disponible dans Tagaday. Il n’a pas encore été décidé si cet outil de marquage serait mis à disposition prochainement ou plus tard, dans l’interface nouvelle formule à venir. Dans tous les cas elle fera l’objet d’un contrat spécifique.

Newsback : un nouveau service pour lutter contre les fake news

Jean Frédéric Farny a également annoncé en exclusivité pour BASES le lancement dans quelques mois du service Newsback. Il s’agit d’un outil de vérification et d’« historicisation » de l’information dont l’objectif est de répondre à la problématique des fake news. Concrètement, ce service permet de soumettre une image, un fichier son, un texte dans une sorte de moteur de recherche qui va venir comparer ce fichier à l’énorme corpus dont dispose désormais Aday, à savoir 30 milliards de contenus sourcés : documents médiatiques tels qu’articles, dépêches, billets de blogs, etc., et images en provenance d’Imatag.

Cette moulinette permettra de répertorier par exemple les différents endroits où une image aura été utilisée, avec ses recadrages ou modifications éventuelles ; et la technologie fonctionne aussi avec du texte.

Ce nouveau service Newsback ne sera pas nécessairement intégré dans Tagaday. Il s’agira d’un service séparé faisant l’objet d’un contrat spécifique. Il cible bien sûr les services communication, mais également les journalistes, qui pourront y trouver là un outil complémentaire de fact-checking.

Une technologie de speech-to-text de plus en plus efficace

On dira pour finir un mot sur l’outil de veille audiovisuelle disponible déjà depuis 2014, avec une technologie intégrée de speech-to-text. 1 700 h de radio/télé sont ainsi quotidiennement transformées en texte, grâce à un outil d’intelligence artificielle qui a beaucoup progressé depuis le lancement de ce service, et qui est encore amené à devenir de plus en plus qualitatif. Le modèle de langage est mis à jour en permanence, par exemple avec de nouvelles entités nommées.

La technologie spécifique utilisée a été développée par un laboratoire spécialisé, mais l’intégration et l’industrialisation du processus ont été réalisées par EDD, tel qu’il s’appelait encore à l’époque.

Tout le contenu des fichiers radio/télé, c’est-à-dire chaque mot prononcé à l’antenne, est interrogeable comme du full-text, par mot-clé. Une requête par mot-clé donne accès à une liste de résultats. Un clic sur le lien d’un résultat donne accès à la séquence pertinente en mode streaming (consultation en ligne d’un extrait audio ou vidéo d’une durée de 2 min auquel s’ajoutent les deux séquences mitoyennes avant et après, de 2 min également, soit 6 min en tout), l’outil de speech-to-text permettant alors à l’utilisateur de naviguer au sein de la séquence audiovisuelle.

Ces transcriptions automatiques sont stockées en accord avec les contrats signés avec les éditeurs. Mais ce stockage est limité à une année seulement, car Aday considère que, au moins pour le moment, il n’y a pas de marché pour des archives plus profondes.

Il s’agit d’une option spécifique du service Tagaday, avec des frais d’accès au service puis une facturation à la consultation des séquences, similaire au système de facturation pour la consultation des articles. Il existe en outre des services additionnels facturés en sus, tels que les scripts radio/télé (facturation à la page retranscrite) ou le téléchargement à la demande des fichiers correspondant aux séquences audiovisuelles.

Objectif : se positionner comme la plateforme n°1 des médias français

On le voit, le positionnement de Aday se situe principalement au carrefour des besoins de deux grands types d’acteurs de l’industrie médiatique.

  • D’un côté Aday offre au marché des communicants une solution opérationnelle et à valeur ajoutée qu’ils n’avaient pas ; car si jadis la veille image était assurée par les services documentation, on la confie dorénavant au service de relations presse qui, faute de solution professionnelle, se débrouillait auparavant avec Google Actualités. Désormais elle dispose d’une offre packagée avec services spécifiques de « Veille de crise » et « Bilan média » permettant de mesurer quantitativement, mais aussi qualitativement une campagne de communication, les retombées d’un événement, etc. ;
  • De l’autre, Aday propose à la communauté des éditeurs une offre réellement attirante, qui leur permet de valoriser tous leurs contenus. Car chez Aday, comme avant chez EDD, il n’existe pas d’abonnement forfaitaire. Chaque article est payant, et chaque résultat, même issu du web, mène vers du vrai contenu. Il n’arrive pas comme chez Factiva ou Nexis Newsdesk qu’un résultat mène vers un article web non accessible, car en accès réservé aux abonnés à la publication.

Le tout, en ayant pris en compte la question incontournable des droits de rediffusion pour les deux parties. C’est d’ailleurs l’une des nouvelles signatures de Aday : « la veille média avec les droits ».

Certes, le « fonds documentaire », tel qu’il est encore appelé sur le nouveau site web, est un actif historique, mais la clientèle traditionnelle des professionnels de l’information n’est clairement plus le relais de croissance.

Et les professionnels de l’information ?

Et l’on voit bien que les nouveaux services à venir, qui d’ailleurs ne seront pas nécessairement intégrés dans l’interface de Tagaday, répondent à des problématiques assez lointaines de celles qui sont naturellement les leurs. Cela peut donner l’impression que cet immense corpus d’articles et de photos ne sera dorénavant qu’une matière première donnant à Aday la possibilité de construire une offre de services destinée à une autre clientèle, mais que cette matière première ne sera plus valorisée en termes de pures possibilités de recherche sophistiquées. On s’est par exemple étonné qu’un nouvel outil à venir au courant de l’été offrant une déduplication de contenus similaires - une fonctionnalité très utile - ne soit proposé que dans la partie « Veille » et non dans l’interface de recherche elle-même.

De plus, la connaissance experte du système d’interrogation disponible dans Tagaday est de plus en plus difficile à obtenir, car il existe très peu de communication sur ce sujet, et même le service d’assistance n’est pas toujours en mesure de répondre à des questions pointues. Qui sait par exemple qu’une fonctionnalité de combinaisons d’étapes est possible dans Tagaday ? Pour ceux de nos lecteurs que cela pourrait intéresser, les différentes étapes de recherche se retrouvent par le biais du menu déroulant « Historique des recherches », et la syntaxe à utiliser pour la combinaison d’étapes est la suivante :

e:1 ET e:4 pour combiner les étapes de recherche 1 et 4

Cette syntaxe fonctionne avec des étapes consécutives ou non, et également avec les opérateurs logiques booléens OU et SAUF.

Pour autant, Aday reste un service professionnel intéressant pour les documentalistes et veilleurs en entreprise, car c’est chez lui qu’ils trouveront la couverture la plus complète de la presse française, y compris la presse professionnelle spécialisée sur des industries très pointues, représentant au total plusieurs milliers de titres.

L’ajout de l’indexation constitue également un élément à valeur ajoutée pour les professionnels de l’information, même si les smart et intelligent indexing proposés depuis longtemps par Factiva ou Nexis Newsdesk sont beaucoup plus détaillés et couvrent beaucoup plus d’aspects. Press’EDD était l’un des rares services professionnels à ne pas proposer d’indexation en plus du texte intégral. Si l’indexation thématique à venir dans Aday est déjà un plus, on espère que d’autres types d’indexation verront le jour, comme par exemple le type de document (interview, analyse, article de fond, etc.).